« J’ai la chance d’être adaptatrice de doublage depuis maintenant 31 ans. J’ai exploré énormément de styles…Du dessin animé à la 3D, du polar à la comédie romantique, du film historique à la SF…
Bien que nous soyons artistes-auteurs, je vois davantage cette discipline comme un artisanat… Une forme d’artisanat d’art peut-être…
En réalité, nous sommes avant tout des passeurs. C’est Jean-Claude Carrière (qui signa lui-même l’adaptation pour le doublage de plusieurs films de Luis Buñuel) qui m’a ouvert les yeux sur cela, au tout début de ma carrière. Notre mission est de permettre à des créateurs de diffuser leurs œuvres dans la francophonie, et à un public pas nécessairement polyglotte de s’ouvrir aux cultures du monde.
C’est une mission qui pousse à l’humilité, et qui demande beaucoup de rigueur.
Je crois qu’un bon adaptateur est un adaptateur qu’on ne « remarque pas »…. Parce que dès lors qu’un texte français vient « déranger » l’œuvre, alors il l’a déjà trop trahi…
Pour autant, il ne faudrait pas limiter le travail à de la traduction littérale. Non, il faut saisir les subtilités de la langue, les niveaux de langage, l’humour, les références pour, effectivement, adapter l’ensemble au public francophone, et faire « oublier » qu’elle a été traduite.
A l’heure où tous les acteurs de la filière du doublage s’inquiètent de l’arrivée de l’IA, et tout en gardant à l’esprit qu’il faut rester vigilants (nos organisations professionnelles – dont l’Unac évidemment sont à la pointe de ce combat), je voudrais regarder l’avenir avec optimisme, et croire dur comme fer que l’humanité nécessaire au travail de doublage en général, et d’adaptation en particulier fera la différence, en offrant des adaptations subtiles, plutôt que destraductions sans âme et littérales.
“Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énervent le sens ! C'est bien là qu'on peut dire que la lettre tue, et que l'esprit vivifie.” Disait Voltaire…
Or, si l’intelligence peut être artificielle, l’Esprit, lui reste humain.
Et croyez-moi, il y a chez mes consœurs et confrères, beaucoup d’esprit ! »